Qu’est-ce que l’illectronisme ?

Illectronisme : quand la magie du numérique reste inaccessible
La magie du numérique reste inaccessible aux personnes touchées par l’illectronisme
(Image de Joshua Woroniecki, Pixabay)

Qu’est-ce que l’illectronisme ? Que recouvre ce terme et quand est-il apparu ? Si le mot est de plus en plus courant, c’est parce que le phénomène de l’illectronisme est de plus en plus étudié. En effet, si les outils numériques sont devenus indispensables au quotidien, une partie importante de la population reste démunie face à l’informatique en général.

Définition de l’illectronisme

Illectronisme : l’inhabileté numérique

Illectronisme est un mot-valise formé au début du XXIe siècle à partir d’illettrisme et d’électronique. Synonyme d’inhabileté numérique – terme plus officiel mais aussi plus long – il a pour antonyme habileté numérique. L’inhabileté numérique se définit comme la « [d]ifficulté, voire [l’]incapacité, d’une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques de la vie courante » (JO du 10/01/2017).

En d’autres termes, il s’agit d’une incompétence partielle ou complète concernant l’utilisation :

  • des appareils numériques (ordinateurs, tablettes, smartphones et autres objets connectés) ;
  • des logiciels ;
  • d’Internet.

Or, l’habileté numérique est aussi nécessaire aujourd’hui que l’était jadis la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul. Si certaines compétences numériques sont désormais enseignées dès l’école primaire, toutes les générations n’ont pas bénéficié de cet apprentissage. De plus, la fracture numérique génère ou entretient l’inhabileté numérique dans certains milieux socio-professionnels.

Inhabileté partielle ou totale

Une personne souffrant d’inhabileté numérique peut cependant réunir certaines compétences à l’exclusion de certaines autres. Par exemple, elle peut être capable d’effectuer des achats sur Internet mais ne pas maîtriser les rudiments du traitement de texte. Ou encore passer sa journée à communiquer par SMS mais avoir des difficultés à effectuer des démarches administratives en ligne. C’est le sens de cette distinction qu’introduit le Larousse en ligne :

« On distingue dans l’illectronisme les lacunes liées à l’utilisation des outils numériques (ordinateurs, téléphones intelligents, etc.) et celles liées à l’usage des contenus disponibles sur Internet (remplir un formulaire en ligne, acheter sur un site Web, etc.). »

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/illectronisme/188290?q=illectronisme#11072481 (consulté le 17/06/2020)

De quand date le terme illectronisme ?

Si la Commission d’enrichissement de la langue française recommande depuis 2017 le terme inhabileté numérique, c’est illectronisme qui s’impose depuis juin 2018. En effet, le 25 juin 2018, paraît l’enquête CSA « L’illectronisme » en France – dans laquelle inhabileté numérique ne figure pas une seule fois.

En 2019, l’INSEE confirme cette tendance en publiant une étude intitulée Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base (INSEE Première, no 1780, 30/10/2019). On y trouve 7 occurrences d’illectronisme tandis qu’inhabileté numérique n’apparaît pas une seule fois.

En novembre 2019, l’INSEE enfonce le clou dans L’économie et la société à l’ère du numérique (édition 2019, coll. « Insee Références »). On y retrouve la définition d’illectronisme – « [l]’incapacité (c’est-à-dire l’impossibilité matérielle ou le manque de compétences) d’utiliser des ressources et moyens de communication électronique. » Illectronisme est employé à 5 reprises dans cette étude tandis qu’inhabileté numérique en est absent.

C’est encore illectronisme qu’a privilégié le Sénat en créant une mission d’information « Lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique » en mai 2020. « La lutte contre l’illectronisme doit devenir une grande cause nationale », lit-on dans un communiqué de presse du Sénat du 19 mai 2020.


Comment appelle-t-on les personnes touchées par l’illectronisme ?

Force est de constater qu’aucun terme satisfaisant ne semble encore avoir été trouvé. Il faut pour l’instant se contenter de périphrases.

Périphrases

On rencontre par exemple « personne en difficulté avec le numérique  » – un euphémisme pour désigner ceux d’entre nous qui sont en délicatesse avec le numérique. Mais d’autres périphrases reprennent plus directement la phraséologie du handicap. C’est le cas, par exemple de « personne touchée par l’illectronisme », de « personne souffrant d’inhabileté numérique », ou encore de « personne en situation d’illectronisme ».

« 17 % de la population se trouve en situation d’illectronisme. »

Stéphane Legleye, Annaïck Rolland (Insee Première, no 1780)

Néologismes

Devant la lourdeur de ces périphrases, il existe quelques tentatives de néologismes plus ou moins fantaisistes. On relève par exemple illectronique, illectroniste ou encore abandonniste (CSA, « L’Illectronisme » en France, 2018). Ces néologismes ne semblent pas rencontrer le succès, peut-être parce qu’ils ne sont pas logiques. À propos de ceux en -iste, rappelons que ce suffixe désigne normalement les partisans d’un courant de pensée, d’un mouvement, etc. Or, l’illectronisme est rarement un choix. C’est un état que l’on subit, un défaut d’autonomie proche du handicap.

Il est bien difficile d’inventer un terme signifiant « souffrant d’illectronisme » alors qu’il n’en existe aucun signifiant le contraire. Toutefois, le terme illettré numérique a fait quelques timides apparitions sans être encore largement usité…


Conclusion

L’illectronisme constitue un véritable handicap social et professionnel alors même que le télétravail se développe sous l’impulsion de la crise sanitaire provoquée par la COVID-19. En outre la dématérialisation des démarches administratives progresse à marche forcée. Rappelons que l’un des principaux objectifs du programme Action publique 2022 est précisément la dématérialisation totale des services publics à l’horizon 2022.

N’a-t-on pas mis la charrue avant les bœufs ? « Le numérique pour tous doit aller en même temps que le tout numérique, devenu désormais un bien de première nécessité » concluait à juste titre la Mission d’information « Lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique » en juin 2020.

En France, sauf démarche volontaire de sa part, un bachelier aborde aujourd’hui les études supérieures sans avoir appris à taper de ses dix doigts sur un clavier azerty (sans le regarder) ! Pourtant, n’est-ce pas une compétence de base pour être à l’aise avec l’outil informatique ? Le volontarisme sénatorial semble certes vouloir combler le retard considérable de la France en la matière. En attendant, chacun se débrouille comme il peut. C’est le fameux système D, inventé dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale !

Si vous lisez cet article, vous ne souffrez probablement pas d’illectronisme. Mais, pour améliorer votre habileté numérique, n’hésitez pas à consulter sur traduirÉcrire l’article consacré aux raccourcis claviers de base

admin8600

Musicienne et traductrice de formation, amoureuse des mots depuis toujours, je suis venue à la rédaction et à l'écriture par le biais de la traduction.

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